Dis maman...
Qu’est-ce que tu as fait de mon autre moitié ? Mais si tu sais, celle qui dit chingados ! quand elle se fait mal, et ojalá quand elle espère.
Oui je sais tu ne pensais pas à
mal. Oui je sais papa devait être prudent à l’époque, pas trop crier sur les
toits qu’il était Chilien et ce qu’il avait fait…Mais quand même…
Tu as vraiment cru que je ne
serais plus ta fille si je me rendais compte que moi la baguette je m’en fous
un peu, beaucoup et que las rancheras me hacen llorar ?
Oui c’est vrai j’aime en français, mais j’aime aussi en espagnol. Lui, j’ai envie de lui dire mi amor, mi tesoro, mi vida, mi corazón, mi alegría, mi alma et c’est tant mieux si à ça s’ajoutent mon amour, mon trésor, ma vie, mon cœur, ma joie, mon âme… ( pour les moins-z-au-courant, une litanie pour un retour d’un certain Brel est passée par là).
Juliette et Roméo que deux noms de famille séparent, et moi c’est en moi que je porte mon manque… Avec mon petit prénom français que tu m’as choisi sans demander l’avis de mon père, et un nom qui n’a pas vraiment des consonances hispaniques…
Du coup me voilà obligée de jongler, de compenser, avec ce patronyme bancal qui ne dit qu’un bout de moi, qui oubli des peines et des joies, des musiques et des épices… Toi qui aime un homme qui vient de là, pourquoi n’as-tu pas su voir que j’en aurais besoin ? Pourquoi as-tu gardé cet amour pour toi toute seule ? Bien sûr je suis Française, mais en partant du Mexique je n’ai pas fait que vous quitter, j’ai aussi quitté mon pays, celui où j’ai fait mes premiers pas, celui où il y a la vraie mer qui sent bon les vacances, avec de grosses vagues, celui où j’ai eu mes premiers bonheurs, mes premiers chagrins.
Comment se fait-il que tu n’aies pas vu que mon cœur était lui aussi bilingue ? Que mon histoire était celle de deux continents ? Pourquoi ne pas m’avoir donné les armes pour le comprendre ? Toi-même tu ne le savais sûrement pas. Tu ne mesurais pas le double exil qui était le mien, celui que de mon père et celui dans lequel tu me poussais
Le temps est passé, j’essaie d’être
une femme, pas trop mal, mais j’ai toujours ce vide, mais le manque ne venait pas de l'absence, mais parce que cette partie ne pouvait pas être nommée.
Peut-être je la nommerai un jour à
travers un enfant qui portera un prénom que je pourrai prononcer dans les deux
langues.
Je résisterai à la tentation de commenter , de vous expliquer pourquoi comment, ou même de m'excuser si je parais niaise. Juste besoin de le fixer quelque part.